France (Groupe A)
"Et un, et deux et trois, on rentre chez nous" (11/06/2002)
"C'est cuit, c'est la cata, c'est la honte": au coup de sifflet scellant l'élimination de la France, au Mondial, des milliers de personnes sur le parvis de l'Hôtel de Ville de Paris, plient les drapeaux et marchent consternées. "C'est incroyable, des vrais débutants, franchement, même le club de ma petite ville joue mieux", s'exclame Claude Gondi, une étudiante de 21 ans. Au même moment, la maison du Danemark, sur les Champs-Elysées, retentit des "vi har vundet" (nous avons gagné !). Une bonne centaine de "happy few", venus sur invitation, ont agité à chaque but des drapeaux blanc et rouge et entonné "sejren er vor" (la victoire nous appartient).
A la grande boutique Adidas de la rue de Rivoli, qui avait habillé ses vendeurs de maillot de l'équipe de France, le ciel étoilé est tombé sur les têtes. Partout s'affichent sur les portraits des idoles parrainées, comme un gros péché d'orgueil, la seconde étoile que la France n'a pas gagnée. "On voulait leur mettre le tarif, au moins deux buts, et c'est le contraire qui se passe, quelle claque !", commente un jeune en survêtement.
Comme lui les 4000 supporteurs face à l'écran géant accolé à la mairie de Paris sont passés, en moins de deux heures, de l'espoir à la stupeur. Au premier but danois, un spectateur en bleu lâche, mi-dépité mi-ironique: "Dès le matin, cela gresse."
Le ressentiment gagne les coeurs. Des cris "Dugarry, du gâchis" s'élèvent, chaque fois qu'il touche un ballon. A l'école primaire Chernovitz, dans le 16e arrondissement de Paris, 200 élèves sont massés sous le préau. Pour Armando, 8 ans, "les Danemarkais (sic), c'est les meilleurs". La fesse de Barthez, blessé, fait beaucoup rire.
La mi-temps s'annonce dans l'inquiétude générale. Sur l'île de la Cité, face au Palais de Justice de Paris, un homme d'une cinquantaine d'années, cravaté, interpelle un conducteur de bus. "Combien ?", demande-t-il nerveusement. "Un zéro pour le Danemark", répond le chauffeur du 38. Echange de grimaces. Le match est mal parti.
Dans un centre commercial de Clichy-sous-Bois, un professeur à la retraite est parti de chez lui à la pause, énervé par le score: "J'ai voulu me distraire en faisant les courses, mais c'est plus fort que moi, je me retrouve avec mon caddie devant le téléviseur."
Au deuxième but danois, des fumigènes sont lancés devant l'Hôtel de Ville de Paris. De plus en plus de spectateurs quittent les lieux. Gwenaëlle, une lycéenne de 17 ans, bout: "Ah, cela m'énerve trop, je n'y crois pas, c'est une question de principe, ils pourraient au moins marquer un but..."
Dans un bar de banlieue, un employé lance: "Et un, et deux et trois, on rentre chez nous".
|